Umbilicus rupestris (Salisbury) Dandy 1948
Nombril de Vénus
Plante vivace de 10-40 cm., glabre, verte, à souche tubéreuse ; tige peu feuillées ; feuilles radicales orbiculaires, peltées-ombiliquées, de 3-6 cm. de diam., crénelées, longuement pétiolées, succulentes et cassantes ;
les caulinaires peu nombreuses, en coin ; fleurs d’un blanc jaunâtre, pédicellées, pendantes, nombreuses, formant une longue grappe bractéole occupant presque toute la tige ; corolle tubuleuse, 4 fois plus longue que le calice.
Rochers ombragés des terrains siliceux, dans tout le Midi, le Centre, l’Ouest ; remonte jusqu’à la Côte-d’Or, le Cher, le Seine Maritime,
Corse. – Europe occidentale et méridionale ; Asie Mineure ; Afrique septentrionale. Mai-juillet. – Plante rafraîchissante.
D’après : Flore descriptive et illustrée de la France, de la Corse
et des contrées limitrophes par l’abbé H. Coste - 1937
Très Cher Paul-Armand,
La Dionaea muscipula est le prétexte à ma venue. Je vous ai fait quelques propositions photographiques autour de la fleur-cage également appelée Venus Flytrap. Elle s’ouvre et se referme, comme deux paupières qui se font face, comme s’il y avait quelqu’un d’autre derrière nos yeux. Deux paupières, deux rangées de cils, un seul battement, comme dans ce portrait d’une japonaise du XVIIIème. Le clignement de l’obturateur, comme on jette un filet. Et comme un rempart infra-mince, à regarder au travers de cette grille, être derrière. Je vois entre pointillés. Une double paupière, parce qu’il faut se protéger au carré de l’extérieur, il faut surtout ne pas se voir ne pas voir. Une double paupière pour rester dans l’innocence de la vraie nuit sans paupière.
Je suis arrivée chez vous après trois heures de voyage, sereine. Vous m’attendiez. Je suis à votre porte, comme je l’avais imaginé. Je prends l’ascenseur et me voici. Et vous voilà, toujours aussi élégant, semblant surplomber le monde d’une curiosité bienveillante. Un grand après-midi d’amusements est prévu. Je sais que le plaisir nous attend. Vous courez préparer une petite dinette à votre midinette. Vous avez lu et relu ma lettre avec attention. Elle vous a touché, je l’avais écrite dans le café d’où je vous écris aujourd’hui avec la même émotion.
Nous n’avons pas suivi à la lettre le prétexte à cette visite, la Dionaea carnivore nous a filés entre les doigts - j’ai choisi de ne pas me montrer telle que je devinais que vous voudriez me voir. D’autres images fantomatiques ont fait collision avec le réel et l’ont rattrapé.
Nous passons aux choses sérieuses, légères. Je sors la lingerie ancienne que je vous avais promis, et nous voici, ouvrant tous les deux la taie où je les ai délicatement disposés pour les protéger. Les dessous aussi ont fait un véritable voyage qui fait partie de l’affaire, dans le temps et dans l’espace. Ils vont reprendre vie, et même changer d’état par la photographie. Tout vous plait, à commencer par l’emballage. Vous le photographiez nonchalamment, et voilà que ce trousseau modèle, semblant venu d’un autre temps, va reprendre vie dans le nôtre et interroger l’éternité. Cela se passe de l’autre côté de votre appartement, là où la lumière est la plus belle en ce début d’après-midi. Je vais passer et porter tout à tour chaque pièce de lingerie. Je les déplie, les replie et les rejette. Je vais m’habiller, me déshabiller devant vous, l’objectif entre nous, votre main franchissant parfois cette barrière invisible du visible. Une main sur le déclencheur, l’autre qui me touche. Vous mettez en place les plis de tissu qui médusent votre regard. Comme une métaphore de la rencontre photographique avec un modèle, je tombe successivement toutes les couches jusqu’à me rapprocher d’une vérité du corps après plusieurs heures. Il faut être dans un certain rapport amoureux pour poser et pour que justement la pose s’efface. Sentir votre désir de faire monde avec moi, saisir quelque chose dans une quête commune mais sans intention précise, et puis oublier l’objet même de nos recherches pour trouver une vérité sans regard.
Bien évidement, j’ai choisi chaque sous-vêtement, et aussi la manière dont je le porte à votre regard. Mais petit à petit, la liberté du modèle qui vous tenait tant à cœur vous échappe, et je me fais un plaisir de l’utiliser à vous rendre la vôtre. J’exhibe la beauté nymphée, vous fait signe d’avancer. Vous prenez soudain un plaisir sans précaution à choisir une pose, un détail. Je réengage parfois mon corps dans son autonomie, je me change, me déshabille, pour mieux gommer petit à petit la marge d’indécision entre votre liberté et la mienne. Les allers et venues du vêtement et de nos gestes effacent à la fois toute idée de limite et de liberté pour nous engager tout entier, nous et le monde avec, dans une indistinction créatrice. Nous ne nous donnons plus que la liberté d’être. La scène est totale. Nous sommes dans le lieu et nous sommes le lieu. Le monde est (à) nous cet après-midi.
Si ma liberté est la vôtre, je suis maintenant votre regard. Vous aussi vous vous voyez vu par moi en train de voir. Au début, je m’observe du dehors, à travers votre objectif, mais aussi à travers votre œil, et au-delà. Nous avons une double paupière, et nous rejoignons malgré nous la Vénus carnivore dont je vous avais entretenu dans ma lettre. La double forme de la Vénus, celle qui (s’)ouvre et qui en même temps (se) referme sur l’extérieur. C’est l’obturateur de votre appareil qui me dévore. Tout est accordé, dans cette vision commune, nous effaçons, nous aimons tous les deux la suivante… Je n’avais pourtant pas le désir d’être vue quand je suis arrivée chez vous. Simplement apparaitre n’est pas une activité, c’est une modalité d’être, et encore plus une manière qu’à l’être de coïncider avec le seul fait d’exister par l’épreuve de la visibilité.
En même temps, ce qui donne l’impression d’être pure visibilité, arrive dans l’invisibilité la plus totale (c’est ce paradoxe que j’aime par-dessus tout dans nos rencontres). On est dans le réel, et on échappe ainsi à toutes les réalités. On ouvre un monde, en dehors des conventions et du marché. On crée des situations pour ainsi dire irrelatives qui interrogent seulement le fait d’être au monde. Leur image atteste en les redoublant le fait qu’elles ont lieu, directement pour nous et immédiatement pour les autres à l’extérieur (avec internet, elles rejoignent le flux du partage et le leurre du partagé). La photographie n’intervient pas après coup, elle efface toute distance : il y a collision du sensible et du réel dans une temporalité renversée.
A aucun moment je n'ai senti que votre regard était dé-placé : au contraire, il tombait à l'endroit même que je voulais montrer. Nos regards étaient concordants au point que j’ai eu l’impression d’être omnisciente. Comme dans un insight unheimlich dans lequel tantôt je me vois agir, tantôt je suis à l’intérieur de l’action. Au commencement de la prise de vue, je me vois faire, je vous vois faire, puis je regarde ce que vous faite quand je joue de ma liberté de modèle jusqu’à son retournement. J’aime voir ce que vous faite quand je ne fais plus qu’être (là). Par mimétisme, vous ne faites plus qu’être à votre tour. Finalement, nous ne faisons plus que ce que nous faisons pour de bon, et c’est pourquoi nos gestes coïncident parfaitement. Nous avançons vite, le monde que nous avons ouvert nous ressemble alentour.
Au-delà du protocole de la liberté du modèle, il y a la coalescence, presque la fusion, mais de quel objet, de quel sujet ? Vous m’avez parlé de symbiose. Nous sommes dans l’être et pas avec l’autre C’est la présence au monde que nous questionnons et pas le désir de l’autre. L’acte photographique n’est même plus un rapport puisqu’il ne manque rien.
Je me promène en petite culotte dans votre appartement, après la prise de vue, comme si de rien n’était, ou plutôt tout étant maintenant seulement là, et je fais réellement ce que je fais semblant de faire. Mon corps devient végétal (presque anté-organique), une « zone de commandement et de liberté diffuse ». Sans qui-vive, c'est-à-dire sans distinction d’un dedans et d’un dehors. Le corset didactique a disparu. Regarder est comme une vapeur dans l’air, partout. Un outside looking in. De sorte qu’il n’y a plus qu’un seul regard et une double paupière, un œil omniscient, ouvert : le centre est partout. Nous sommes dans l’œil du cyclone, au cœur du déluge sans dommages.
Je m’allonge, et je transparais. Cela vous plait. Vous touchez le modèle, je vous y engage et vous vous laissez faire à faire. A être dans la scène en plus d’être voyeur, et à guider mes poses. Vous formez des gestes purs: l’idée ne les devance pas. Il ne peut pas en être autrement, ils sont parfaits à chaque fois. Sans révolution, d’agi vous devenez agissant : poétique. Votre main n’efface rien de mon corps mais apparait avec lui. Elle me fait franchir la limite dont parle Flaubert : « Un degré de plus et tu devenais nature, ou bien la nature devenais toi » . J’ai aimé que ce soit votre œil et votre main qui me fassent passer la ligne. La nymphe, ou la déesse, vient au monde. Venus est sur le seuil.
« Etre » réel a maintenant une forme. Son accès est une métamorphose érotique. Vous avez senti et permis cette métamorphose en la rendant visible. L’objectif a libéré Vénus dès la première image.
Je frissonne, et jette mon manteau sur mes épaules, comme si la fin du monde allait venir. Pourtant nous sommes plutôt au commencement du monde là où justement se tient Vénus. La fourrure n’a pas de paupière, mais elle a des milliers de cils. Mon manteau s’apparente à un filet jeté . Vénus in furs boit un cola, sa petite culotte verte coalisée à la méridienne. La lumière du soir la fait ressembler à la statue du rêve de Severin, le torse glabre qui contraste avec le satin chatoyant du petit linge vert émeraude. Je suis à la fois moi et la présence de la déesse. Je savais que vous feriez en sorte que ça arrive. Nous avons fait advenir la déesse, et cela va de soi, le monde avec elle. Ce surgissement inattendu nous surprend tous les deux tant le monde est devenu cohérent avec son apparaitre. Vos « touchers » produisent l’effet inverse d’un pincement : vous me faites plutôt entrer dans le rêve en tant qu’il a la même définition que le réel. Ce qui est scandaleux, c’est que le plaisir ne soit in fine que l’extrême sensibilité au simple fait d’être.
Etre là pour de bon, c’est à la fois prendre la tangente et se rapprocher du centre, être dans le lit de la rivière et la voir couler. Ces images que nous avons faites montrent que le monde est léger, joyeux. C’est un monde d’au-delà du désir, une sur-impression.
Vous ne photographiez que des fragments. Et ainsi, vous libérez le corps pour lui permettre de faire lui-même l’image, et en cela d’être complètement hors-champ. Tout se passe comme si vous rejouiez la modernité à rebours. Vous retransformez l’image en monde. L’image est le prétexte à faire advenir le monde. Pour ma part, je suis à la fois Lewis et Alice, des deux côtés. Rien n’apparait que Vénus, je suis donc à la fois en partie du côté de l’image, et en partie du côté du monde. Votre main me touche et apparait dans le champ. Votre montre indique d’une autre façon la manière dont l’invisible passe dans le réel par le biais du visible. Thanatos entre sans prévenir. Mais souvent, quand le cadrant essaie de se glisser dans l’image, il vient la déformer, comme si le surgissement du temps et de la mort installaient une distorsion dans l’apparence. Il y a l’idée de se voir vue par un regard partagé et qui ne capture l’image qu’une seule fois. En même temps, je sauve ma peau par l’image, en la retournant sur sa surface. Les choses nous deviennent de plus en plus proches. Le toucher est transsubstantiation. Mon corps est un rassemblement qui s’efface mais notre regard à l’unisson est une dispersion qui rassemble en devenant sa propre trace dans l’image.
Il y a un aller-retour permanent entre visible et invisible. Vous me faites passer de l’un à l’autre lorsque votre main me fond dans le territoire des nymphes. Vous effacez ma réalité (ma modalité d’être Mylène) pour faire advenir la déesse, et dans le temps même où elle se défile, au fur et à mesure que vous approchez ma vénusté, on tombe tous les deux dans le gouffre du miroir. Ce qui me rendait invisible en tant que visible (en faisant de moi un objet parmi les objets) me jette dans le monde de l’invisible visible. La mue est accomplie. Il demeure quelques traces de mon ancienne condition telles que les marques de culottes (mais qui sait si Vénus n’en porte pas elle aussi), qui s’effacent peu à peu. Wanda se superpose à moi, ma réalité s’atténue, et finit par presque disparaitre : Il n’y a plus qu’elle, qui me fait naitre à moi-même poétiquement, le torse offert à la lumière du soir. C’est cet invisible qui a lieu, cette fois non pas parallèlement à nous mais à travers nous, que donnent à voir les images. La symbiose du visible et de l’invisible que nous avons éprouvé en cet après-midi d’un faune- et d’une Vénus si particulier.
On a ouvert la boîte de pandore, et je m’étends librement sur la méridienne, Psyché qui rêve et qui rêve, que Pan réveille à temps et sort des eaux. Dans cet aquarium, les petits poissons de dentelle flottent sous vos doigts. La soie est en vie sous les ondulations de plaisir- elles vont et viennent et reviennent à moi. Nous ne demandons à personne de croire à ce que nous avons vu (je ne suis pas Perséphone). Nous plongeons pour les coquillages dans mes dentelles océaniques. Nous en avons savouré la saveur cosmique. Ne mettons pas du ruban adhésif sur la mousse- sur ma bouche. Photographier, chuchoter : notre secret est bien gardé dans sa révélation.
Maintenant, tout se passe comme si je voyais pour la première fois le moment où je suis parvenue avec vous au bord du précipice aveugle. Comme si je ne recouvrais la vue qu’une fois éprouvée la limite. Une fois faite l’expérience de la dilution totale, de mon corps devenu monde, et du caractère créateur de l’effacement lui-même, vous me permettez de vous photographier à mon tour, et rétablissez ainsi mes propres limites. Vous me rendez mes yeux, et, décillée, je vous bande les vôtres, pour vous photographier à mon tour d’une manière toute particulière : une photographie à reculons, au Polaroid, le déclencheur rendu aveugle par la pointe de mon talon aiguille.
On a joué tout l’après-midi. Pas comme des adultes qui joueraient à quelque chose, mais comme des enfants. A ressembler à la présence impersonnelle et enveloppante qu’en même temps nous suscitions.
Mylène Duc (Mai 2014)
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1. Gustave Flaubert, La tentation de Saint Antoine
2. Sacher-Masoch, La vénus à la fourrure, p 39 : « Une déesse …, une grecque…, vénus…, une vénus à la fourrure. Prenez garde ! J’ai une grande, grande fourrure de laquelle je pourrais vous couvrir tout entier, je vous y attraperai, comme dans un filet ».
Très chère Mylène,
Je croyais que c’était en 1991 que s’était mis en place ce que j’appelais La liberté du modèle par une lettre envoyée à trois personnes a qui je proposais en un mot de fairece qu’elles voulaient pendant que je les photographiais. Vingt ans après au cours deconversations avec Michèle Didier, j’acceptais ce qu’elle proposait, c’est à dire de faireremonter cette liberté à 1970 date des premières photographies de petites filles avecNathalie et Emilie Emmanuelle. Michèle pensait, et elle avait raison, que la libertérégissant déjà les positions respectives du couple modèle artiste.En 1983, une autre étape fut franchie celle du Toucher du modèle proposé à Pernilla puis à Sophie. Ce toucher était précédé de la question « puis-je vous toucher ? » et réalisé encas d’acceptation. Cette proposition devenait possible les petites filles étant maintenantdes adolescentes. Peu à peu je me mis à parler de modèles désirants. Les années passant, je fus amené à constater que dans cet espace de liberté on netrouvait que des personnes appartenant de près ou de loin au milieu de l’art et dèsles années 2000 qu’elles étaient toutes des artistes, ce qui m’amena dix ans plus tardà n’être plus satisfait par l’usage du mot « modèle » sans pour autant trouver uneformulation satisfaisante pour couvrir ce que les protagonistes de cette aventureacceptaient : la présence de deux artistes dans une œuvre commune.
Il devenait alors nécessaire d’aborder le plus complètement possible la complexité de cette situation, non qu’elle pose des problèmes de comportement à ceux qui s’y aventurent, mais parce qu’il me semblait nécessaire de définir pour le public ce qu’elle était.
Donc j’en étais là, quand Mylène m’a rendue visite en avril 2013. Accueillir une artiste qui propose, quoi ? Je n’en savais rien et l’émotion fut sous-jacente en raison même de cette incertitude. La seule certitude dans ce cas est que l’on va me laisser regarder ce que l’on a l’intention de me montrer, que je pourrais prendre des traces de cette « exhibition » et que si ces traces (des photographies) sont acceptées je pourrais les conserver et ce seront des doubles traces, de ce qui a été montré et de ce que j’ai regardé avec une interrogation : est ce que j’ai bien regardé ce qui était montré. La situation est plus complexe que compliqué, elle se situe dans un espace calme car dépourvu d’inquiétude et après acceptation des images elle se prolongera. En avril 2013 (je viens de revoir les images), c’était ce sous vêtement que vous aviez apporté et que vous êtes allée passer hors de mon regard. Je ne savais pas si vous l’aviez pris avec vous avec l’intention de me le montrer sur vous ou s’il faisait partie de vos affaires de voyage. Vous m’avez dit que c’était un fond de robe. Je ne connaissais pas cette dénomination pour ce que j’appelais jusqu’à ce jour une combinaison. Le satin noir, l’incrustation et le nœud, noir également, recouvrant vos jambes nues furent le sujet de quelques photographies. Puis vint mars 2014 et je fus submergé d’images que par la suite je regardais longuement et que je regarde encore en ayant l’impression de vaciller sous l’effet de l’émotion. C’est difficile d’en parler, ce matin entre 5h et 7h j’ai cru pouvoir le faire, sans doute parce que j’étais dans un demi sommeil avec une sensation de légèreté que je n’ai pas retrouvée ensuite. Par contre nos échanges de réflexions sur la possibilité de définir la relation de deux artistes se mettant dans cette situation avance. Si je n’étais plus satisfait par le mot modèle, je pouvais certes envisager la liberté des artistes sans arriver à définir ce qui se passait lors des rencontres. Je pensais pouvoir parler de « symbiose » qui étant étymologiquement vivre avec évoque inévitablement l’intimité. Dans votre dernier courrier vous parlez de « coalescence » qui me semble aussi toucher de très près ce qui nous occupe bien que tout cela ne rende pas plus que la « symbiose » compte de l’émotion ressentie. On peu espérer que les images, nos images, seront capables de la transmettre à ceux qui les regarderont. Car c’est bien là le but de l’art, il n’empêche que ce que j’ai ressenti (ce que nous avons ressenti ?) nous appartient dans un espace crée de toute pièce où l’exhibition et le voyeurisme sont débarrassés de toute culpabilité, Bernard Marcadé parlera de voyeur autorisé, et j’ajouterais qu’alors le toucher est la confirmation du regard portant l’émotion à son comble. C’est pour cette raison que les images seront scandaleuses pour certains regardeurs quand elles seront offertes au public dans ce que les anglais appellent si joliment une « exhibition ». Qu’en est-il des protagonistes de cette aventure ? Vous êtes en train de l’entendre, les mots n’ont peut-être pas la puissance des images, y participer fait que l’on en sort pas tout à fait le même, on y vit une exploration passionnée de l’intime dans une confiance réciproque et une liberté dont on ne rencontre pas souvent les effets.
Paul-Armand Gette (Mai 2014)